Lettre ouverte à Emmanuel Macron

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Les Gilets jaunes : Comment accueillir les émotions en politique ?

Bonjour Président, 

C’est encore moi !

Ben alors….  Qu’est-ce qu’il se passe avec les gilets jaunes ? 

On dirait que les Français sont fatigués. Que nous sommes toutes et tous fatigués. Que vous êtes vous-même fatigué. Mais pas par la transition écologique. On dirait qu’il y a autre chose. On dirait que nous sommes tous fatigués de la transition tout court d’un monde en pleine mutation. 

Les changements s’accélèrent et vous le sentez quand même plutôt bien. Mais vos mots n’arrivent vraisemblablement plus à s’aligner à la fréquence des attentes et de l’évolution de la Terre pour apaiser nos esprits déroutés. 

Peut-être parce que peu de gens peuvent actuellement suivre, psychologiquement, économiquement, énergétiquement, émotionnellement le mouvement de la vie ? Peut-être aussi parce que ce ne sont pas les esprits qui ont besoin le plus d’être apaisés ? 

Ce qui expliquerait que malgré les nombreuses mesures gouvernementales, le bruit médiatique, les discours, les efforts, et la gesticulation de vos conseillers en image apparemment désœuvrés, rien ne marche. 

C’est alors peut-être à un autre niveau que les choses se jouent aujourd’hui ?

Personnellement, ce que je ressens du mouvement actuel, c’est beaucoup de colère bien sûr, et pour certains de la tristesse, voire du désespoir. Je vois des corps braqués et parfois abîmés, des visages durs et épuisés. Mais aussi des âmes en peine d’exister. Toutes ces belles âmes sont exténuées alors qu’elles devraient rayonner pour vivre la vie telle qu’elle nous a été confiée.

Ce que je perçois, c’est en fait l’expression d’émotions qui ne savent plus être, ni écoutées, ni gérées. De votre côté, comme du côté de la population. Ce qui me fait penser que les émotions semblent – plus que jamais – être actuellement  au cœur de la tourmente et de cette véritable crise de couple que vous vivez avec un grand nombre de français. 

Et c’est ce qui pourrait expliquer que, quelles que soient les mesures prises, les actions menées, rien ne puisse répondre au désarroi actuel tant que vous ne prendrez pas soin de ce qui se joue au niveau émotionnel ? 

Facile à dire ! Je le conçois. Mais comment fait-on pour prendre en compte, dans le monde politique, l’accueil des émotions ? Vaste sujet.

Le sentiment d’insécurité est extrêmement important actuellement. Qu’est-ce que le sentiment d’insécurité, si ce n’est la peur qui nous gouverne et sur laquelle vous semblez vous appuyer pour essayer de gouverner ?

Traversant une perte de sens et de  confiance généralisée, parfois menant à un sentiment d’impuissance, ce sont aujourd’hui les cœurs des Français qui souffrent le plus et ce sont leurs émotions qui s’expriment là où malheureusement personne ne les entend. Derrière cette émotion collectivement exprimée, quel est le besoin ? Une frange de plus en plus nombreuse de la population a besoin de se sentir rassurée durant cette période de grands changements. La population a peur. Alors comment répondre à cette peur qui peut mettre en péril l’exercice du pouvoir et le socle de notre démocratie à l’endroit même où vous en jouez pour gouverner ? Est-ce le bon choix ? 

Le système conduisant à nous épuiser à chercher des boucs émissaires, à chercher à l’extérieur les causes de nos maux intérieurs est en voie d’extinction. Tout comme le système politique le sera prochainement si nous ne prenons pas au sérieux ces « maux » que nous avons, au fil du temps, cultivé avec une mauvaise foi (pour la majorité d’entre nous) en décidant de nier les remises en cause très profondes que se doit d’opérer le monde politique dans sa globalité. Mais je le reconnais, cela demande du courage. Le courage d’abord de cesser de nier, de refouler, et de reporter sur les autres la responsabilité quasi totale du “mal-à-être” dans nos vies et le soin de prendre en charge nos propres  destinées. 

Alors oui, je l’avoue, c’est plus facile finalement de mettre la tête dans le sable et de nous bâillonner ! Sauf que cela risque de ne plus marcher très longtemps, guidant l’ensemble du pays dans une impasse, peut-être sans précédent. 

 “Ce que l’on regarde en face s’efface, ce que l’on fuit nous poursuit”.

Notre destin est lié. Nous sommes tous re-liés. Alors pourquoi ne pas avoir le courage de regarder en face  que nous sommes toutes et tous en train de fuir notre propre responsabilité à s’être installé(e)s – peut-être inconsciemment pour la majorité – dans un monde d’illusion en prenant, notamment, la vie matérielle comme l’essence de notre existence, et le pouvoir sur les autres comme la seule manière de gouverner ?

Alors, en quoi vous me direz, l’obsession de la matérialité aurait-elle un lien avec l’engrenage de la soumission ?

La société de consommation pousse chacun d’entre nous à s’endetter. Certains se sur-endettent même. En maintenant l’idée qu’il existe en ma possession une forme de réalisation de soi, on ment, et l’on se ment à soi-même en se faisant croire qu’il n’existe aucune autre possibilité de concevoir l’existence. 

Ce conditionnement serait-il délibéré ? Imposant l’avoir comme le graal de la sainte évidence. Aux dirigeants cela ne pose aucun problème apparent d’amener les gens à vivre au-dessus de leurs moyens, ni à les aider à s’endetter, à consommer des voitures souvent trop chères, des cadeaux  aussi trop chers pour la majorité des budgets, enfermant dans une peur inconsciente celles et ceux qui les reçoivent en se posant la fameuse question “combien ça a coûté ?!”. Pour s’entendre dire la phrase de récompense “Oh non, tu n’aurais pas dû”… etc. On se met en quatre pour acheter le dernier Iphone à nos enfants pour se rassurer soi-même d’être de bons parents, etc.  Et on s’enlise tristement dans une société d’incommunication et de consommation sans aucune retenue. On continue aujourd’hui à chercher à acheter encore et encore, à vouloir consommer jusqu’au “trop” et à toujours désirer ce que l’on n’a pas mais que les autres ont en oubliant de regarder tout ce que l’on a déjà.

Mais pour QUOI à la fin du chemin ? 

Au bout du compte, pour certains c’est la banqueroute. Pendant que d’autres continuent à s’épuiser dans une course folle à la consommation, croyant au Graal de la matérialité. Mais ils ne s’en rendent même plus compte. Ils ne veulent rien voir, car ils veulent continuer à  y croire… Au bout de l’achat, le bonheur les attend assurément ! C’est la triste illusion que nous vendent les publicitaires depuis trop longtemps.

Pour d’autres encore, ils cherchent inlassablement à paraître en croyant trouver dans leur consommation ce fameux Saint Graal : le sentiment d’exister ou l’apparence d’être des personnes d’importance.

Pour d’autres encore, ils cherchent à remplir tout simplement l’angoisse du vide qui est en eux et le sentiment de ne pas être “complets”. 

Pour d’autres encore, ils sont désormais véritablement pauvres financièrement, acculés par un système économique qui les exploite et les maintient dans la seule garantie d’une pauvreté à renouveler tous les ans chez Pôle Emploi.

Personnellement, j’ai tout expérimenté ! J’ai fait banqueroute, je me suis laissée croire qu’en possédant des trucs (voiture, maison, piscine, montre, beaux vêtements, etc.) je serais quelqu’un de super important, et j’ai aussi cherché à remplir mon vide intérieur… 

Mais QUE DALLE !  Je n’y ai trouvé qu’une grande supercherie dans cette société de consommation. Ça ne marche pas ! 

Bizarrement, on n’obtient jamais dans la consommation la satisfaction apaisante d’un sentiment d’accomplissement. Ce fameux sentiment d’être soi.

Alors, j’ai essayé de comprendre. Et je me suis finalement aperçue qu’on cherchait en fait désespérément à l’extérieur notre bonheur alors qu’il ne peut venir que de l’intérieur. 

Quoiqu’il en soit, ce grand mensonge collectif, qui a conduit bien des gens à se laisser déposséder de leurs vies, contribue, cher Emmanuel, à l’état du pays tel que nous le vivons en ce moment présent. Un cycle est en train de se fermer. Mais on peine à ouvrir le suivant.  

Alors je me pose souvent cette question : « Quand est-ce que quelqu’un aura l’honnêteté de dire que nous sommes tous responsables à 100% de notre vie finalement  ? Et existe-t-il des personnes, voire des leaders, qui puissent nous guider sur notre chemin d’évolution collective en nous ramenant sur le chemin de la vérité de qui nous sommes vraiment ? »

Quelqu’un qui nous donne l’exemple ou qui nous fasse voir, par exemple : 

  • que le rejet de l’autre n’est que l’expression du rejet de soi-même ;
  • que dans la critique de l’autre se trouve ce que nous n’acceptons pas de nous-mêmes ;
  • que nos attentes envers les autres correspondent aux attentes auxquelles nous ne sommes pas en capacité de répondre nous-mêmes ;
  • que les solutions qu’on attend des autres sont les solutions que nous ne sommes pas en mesure d’apporter par nous-mêmes ;
  • que dire que les choix des autres sont inopérants – l’une des critiques favorites actuellement de vos opposants politiques – traduit leur propre incapacité à faire des choix opérants ;
  • que nous rendons l’État responsable de tout, et que nous nous dé-responsabilisons par la même occasion ;
  • qu’en accusant le gouvernement, notre voisin, notre conjoint, notre patron etc. d’être dans le mépris on est soi-même dans le mépris ;
  • qu’en accusant le gouvernement, notre voisin, notre conjoint, notre patron etc. (selon nos boucs-émissaires préférés) d’être dans le mensonge, on exprime ouvertement notre propre incapacité à voir en nous les propres mensonges que nous nous racontons sur notre vie.

In fine, nous pouvons nous demander si gouverner par la peur n’est pas, finalement, le simple reflet de la démission de nos leaders politiques ? 

Nous souffrons de ça aujourd’hui, selon moi. De tous ces mensonges que nous nous racontons avec votre complicité. Et vraisemblablement, nous souffrons beaucoup plus qu’on peut l’imaginer dans nos cœurs en continuant à nous faire croire que le mal vient de l’extérieur. 

Alors, jusqu’où ira-t-on ?

J’entendais certains journalistes dire très solennellement : “Emmanuel Macron a rendez-vous avec l’Histoire”. Ce qui, dit en passant, permet à ces journalistes de se sentir hyper importants en disant cette belle phrase qui, avec du recul et un peu de bon sens, est une phrase on ne peut plus banale et totalement inutile, ne trouvez-vous pas ?! 

Bref, vous avez semble-t-il rendez-vous avec l’Histoire, cher Emmanuel. Mais en fait, comme tout le monde a rendez-vous aujourd’hui avec sa propre histoire et avec ses propres illusions sur sa vie. 

La question reste de savoir si nous voulons continuer à rester les esclaves modernes de nos propres schémas de pensées ou si nous sommes prêts à nous émanciper ? 

Et là, vous pourriez, cher Président, commencer à agir en nous parlant de cœur à cœur plutôt qu’en vous laissant guider par vos conseillers politiques qui semblent totalement dépassés. 

Ne voyez-vous pas que ce que ne supportent plus une partie des gens, au-delà de vos mesures, c’est votre propre manière d’être face aux événements bien plus que ce que vous faites. Cela s’exprime si fortement que finalement, personne ne l’entend. Et je le conçois, ÊTRE un bon chef d’État est aujourd’hui ce qui s’approche de l’histoire qui vous attend… Le challenge étant bien différent de ce qu’on connaissait avant : FAIRE de la politique. Ça, a priori, plus personne n’en veut !  

Alors, je vais vous donner un petit tuyau pour essayer d’agir autrement. Je n’ai pas la science infuse (dommage, vous me direz !), mais je fais mes propres expériences desquelles je tire quelques enseignements pour essayer d’évoluer moi-même, à ma façon. 

J’ai testé cela récemment dans ma vie de couple, et ça semble marcher !  

Quand votre conjoint est en colère, je dirais même très très en colère, observez ce que vous faites pour l’apaiser. Commencez-vous directement en disant “je te comprends, Chéri(e), mais je ne changerai RIEN” ou commencez-vous par prendre soin de sa colère en la reconnaissant, en l’accueillant, puis en serrant cette personne qui vous est chère dans vos bras et peut-être, pour un instant, à lâcher prise vous-même sur vos propres schémas de pensée en essayant de vous dire que vous n’avez pas forcément toujours raison ? 

C’est en réfléchissant à cela que vous trouverez peut-être de nouvelles pistes pour interagir avec les Français,, cher Emmanuel, et que vous trouverez – c’est mon vœu le plus cher – une nouvelle voix/voie de réconciliation pour interagir en cohérence avec votre cœur. C’est-à-dire en adoptant une posture de leader du XXIe siècle, telle que nous l’attendons tous actuellement. 

Le monde a changé, les leaders doivent aussi évoluer

Le cri d’alarme des Gilets jaunes peine à masquer l’ampleur sans précédent d’un déficit, en France, de leaders conscients, rassurants, inspirants et réconfortants. 

La société ne se nourrit plus de cette course égotique qui a possédé l’univers du pouvoir pendant des décennies  menant les gens à se combattre pour apparaître comme les “meilleurs”. En fait, aujourd’hui on s’en fout ! On se fout de savoir que les énarques  sont les seuls à connaître la longueur du lac Titicaca et que c’est grâce à cela qu’ils se sont distingués. On se désintéresse aussi de tous ces diplômes et médailles qui ne font plus le poids face à la vérité qu’est en train d’écrire le monde d’aujourd’hui. 

On a besoin de hauteur, d’amour, de reconnaissance, d’intégrité et d’authenticité. Et ça, ça ne se règle pas à coup de séances accélérées de média-training. Cela demande du courage. Le courage de se connaître, de s’aimer soi-même, le courage de se confronter un peu à soi, à ses propres peurs, et de se remettre aussi en question en désirant, pour soi, la possibilité d’une évolution positive dans la douceur et l’harmonie et non plus par la force et l’autorité. Car si la vocation d’un élu trouve du sens, c’est bien dans sa capacité personnelle à développer le courage de transcender ce à quoi il est confronté lorsqu’il décide d’être exposé. Autrement dit, d’être une personnalité publique.

Alors, la question qui me vient, cher Président, est la suivante : Et vous ? Vous aimez-vous vraiment pour nous dicter nos comportements et nous diriger en nous faisant croire que vous savez mieux que nous ce dont nous avons besoin pour nourrir notre présence sur cette Terre ? Vous demandez-vous parfois comment vous pourriez remplacer un mode de gouvernement cherchant à dominer le peuple par l’exploitation des peurs universelles par un style nouveau, porté par l’encouragement à laisser vivre le libre arbitre et la responsabilité personnelle de chacun ? Autrement dit, l’ingrédient de notre vraie nature qui, comme la Terre, est en train d’étouffer ?

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